Perte de désir, de complicité, de sexualité : comprendre la disparition de l’intimité dans le couple
- Christelle BEUQUE-GAY
- 12 mai
- 4 min de lecture
Dans mon cabinet, je reçois des couples qui viennent me voir pour des difficultés sexuelles : baisse de désir, absence de rapports, éjaculation précoce, douleurs, etc. Mais très souvent, en explorant un peu plus loin que la plainte initiale, je me rends compte que la sexualité n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ce qui s’est perdu en premier, ce n’est pas le sexe : c’est l’intimité.
Car l’intimité dans le couple, c’est bien plus vaste que la sexualité. C’est ce lien subtil, cette complicité qui se tisse dans les regards, les gestes du quotidien, les confidences du soir, les silences partagés sans malaise. Et c’est souvent elle qui s’efface en premier, doucement, sans qu’on s’en rende compte… jusqu’à ce que le manque de sexualité devienne trop criant pour être ignoré.

Quand l’intimité s’étiole dans le couple
Voici ce que j’entends souvent en séance :
« On se parle, mais on ne se touche plus. »
« Je ne me sens plus désiré·e. »
« On ne se dit plus les choses, on est comme des colocataires. »
« Je ne sais plus comment l’approcher. »
« Je me sens seul·e, même à deux. »
Dans ces mots, il y a la douleur d’un manque. Pas seulement un manque de sexe, mais un manque de proximité émotionnelle, de tendresse, de sécurité affective. Un sentiment d’éloignement que beaucoup peinent à nommer mais qui pèse lourd sur la relation.
Qu’est-ce qui fait disparaître l’intimité dans le couple ?
Il n’y a pas de réponse unique, mais plusieurs causes reviennent fréquemment :
La routine et le quotidien : Quand les journées s’enchaînent entre travail, enfants, tâches ménagères, fatigue… il devient facile de fonctionner en « mode automatique ». Le couple passe au second plan, et avec lui, les petits gestes qui nourrissent la connexion.
Les blessures non dites ou mal digérées : Une dispute non résolue, une trahison, une parole qui a blessé... Tout ce qui n’est pas exprimé s’accumule et crée de la distance. On se protège, on évite, on se ferme. Et l’intimité se retire avec la peur de souffrir à nouveau.
Le manque de communication émotionnelle : Beaucoup de couples parlent, mais ne communiquent pas vraiment. On parle de ce qu’il faut faire, organiser, décider… mais on ne parle plus de ce qu’on ressent, de ce qui nous traverse. Or, l’intimité naît quand on ose se montrer tel·le qu’on est, avec ses émotions, ses doutes, ses envies.
Les blessures corporelles ou les changements de l’image de soi : Après une maladie, un accouchement, une opération, un cancer, ou simplement avec le temps, le rapport au corps change. Cela peut rendre l’approche de l’autre difficile, voire douloureuse. On évite alors le contact… et petit à petit, l’intimité physique s’éteint.
Les croyances sur la sexualité et l’amour : Beaucoup pensent que « le désir, ça doit être spontané », ou que « s’il/elle m’aimait vraiment, il/elle devinerait ce dont j’ai besoin ». Ces croyances peuvent empêcher d’aller vers l’autre, de demander, de construire activement l’intimité.
Comment recréer de l’intimité dans le couple ?
La bonne nouvelle, c’est que l’intimité peut se reconstruire. Pas du jour au lendemain, mais avec engagement, douceur et présence. Voici quelques pistes que j’utilise souvent en accompagnement :
Ralentir et se retrouver dans le présent : Prendre le temps d’être ensemble, sans écrans, sans distractions. Juste pour être là, l’un·e avec l’autre. Cela peut être une marche, un repas à deux, un moment de silence partagé, un massage. L’intimité naît dans la qualité de la présence.
Rétablir le toucher non sexuel : Beaucoup de couples n’osent plus se toucher, par peur que l’autre interprète ce geste comme une demande sexuelle. Revenir à des gestes simples – une main sur l’épaule, un câlin, une caresse dans les cheveux – permet de reconstruire une sécurité dans le lien corporel.
Parler de soi, pas de l’autre : Au lieu d’accuser ou de pointer ce qui ne va pas (« Tu ne me touches plus »), essayez de parler en « je » : « Je me sens triste de ne plus te sentir proche », « J’aimerais qu’on retrouve notre complicité ». Cela ouvre la porte au dialogue sans créer de défense.
Créer des rituels d’intimité : Un rituel, c’est un rendez-vous régulier qui nourrit la relation : se dire trois choses positives chaque soir, s’écrire une lettre d’amour par mois, instaurer un moment de sensualité sans attente… Ces petits rituels renforcent le lien.
Se faire accompagner : Parfois, on n’y arrive pas seul·e. Et c’est OK. Être accompagné·e par une thérapeute de couple ou un.e sexothérapeute peut permettre de remettre de la clarté, de la douceur et de la conscience sur ce qui bloque – et d’oser se retrouver.
Et si c’était l’intimité la vraie clef du désir ?
Le désir ne naît pas seulement du fantasme ou de la nouveauté. Il naît aussi, et surtout, d’un sentiment de sécurité émotionnelle et corporelle, d’une connexion profonde, d’un espace où l’on peut être pleinement soi. Nourrir l’intimité, c’est nourrir la sexualité. C’est lui redonner un terreau fertile pour qu’elle puisse refleurir.
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